Prison de Makala : chacun rançonne comme il peut, business pour le personnel pénitentiaire [Tribune de Henry Ngindu]

Le mal est profond dans une plaie béante !

Si généralement l’on considère grave la tracasserie au premier pas de la sortie de l’avion à l’aéroport de Ndjili, celle qui sévit à la prison de Makala outrepasse le seuil tolérable. Ce qui est un crime de légèreté impardonnable aux responsables de cette maison pénitentiaire.

Makala, une tracasserie qui dépasse tout entendement.

La situation est-elle connue des autorités judiciaires, notamment la ministre d’État en charge de la justice et garde des sceaux, Rose Mutombo ? Ou simplement la situation dépasse les compétences de celles et ceux qui doivent prendre les mesures qui s’imposent afin de rendre cet endroit un véritable cadre de rééducation et non une descente aux enfers.

Pour Jean-Claude Katende, acteur de la société civile, contacté par la rédaction de sasastudio.net, la situation est déplorable et dénonce un recrutement lancé dans cette prison par l’ancien ministre de la Justice. Ce qui pose un sérieux problème de la continuité de la chose publique et de son administration.

“Les tracasseries à la prison de Makala dépassent tout entendement. Les prédécesseurs de la ministre actuelle y ont recruté plus de 400 personnes qui ne reçoivent ni salaire ni prime. Ils vivent aux dépens des prisonniers et visiteurs. Chacun rançonne comme il peut”, lâche-t-il.

Qui gère véritablement Makala ?

En effet, à la prison de Makala, l’on constate une faible présence des agents et des ressources étatiques. Cela est compensé par une organisation informelle – localement appelée « système des gouverneurs » et constituée autour d’un chef des prisonniers appelé « gouverneur général » – qui organise et régule la vie quotidienne des détenus. Il existe ainsi une « double gouvernance » à Makala : l’une, officielle et l’autre officieuse. L’intégration de cette approche de gouvernance binôme est la source de la pierre d’achoppement.

Chaque gouvernement cherche à tirer le drap de son côté afin de se faire les meilleurs dividendes sur le dos des visiteurs qui viennent pour s’enquérir de la situation des-leurs.

Chaque pas exige un billet d’argent, business pour le personnel judiciaire.

Il suffit d’avoir un mental d’acier, pour supporter ce que vos yeux verront et vos oreilles entendront à la prison de Makala au risque de crier sous un ciel impuissant : “Où est l’État de Droit, où t’es ?”. Car, tout est le contraire des discours pompeux des acteurs étatiques.

La sueur de la tracasserie qui annonce ses prémices, sans rire, commence dès la prise de contact pour orientation par les militaires commis à la guérite. Ils réclament avec la main sans dire mot comme des sourds-muets assoiffés de se désaltérer avec une eau vive. Ce qui psychologiquement fait transmettre un message fort : “Donne-moi tout ce que tu as”.

Le second challenge macabre vous attend à quelques pas de là. Il y a l’achat des cache-nez et de dèsinfectants pour éviter la COVID-19. Les jeunes hommes jouant le rôle des agents de santé réclament leur sucré, mais dans la poche du visiteur.

Entrée principale de la prison de Makala, un tombeau infernal.

Ici, des agents commis s’exprimant bien en français, vous expliquent l’importance d’avoir un jeton et de verser de l’argent à la guérite gauche de l’entrée principale. Mais, soyez-en convaincu, qu’il ne s’agit pas d’un montant dérisoire.

À l’image de notre reporter, il obtient le jeton PCM 335, en tant que visiteur d’un jour comme le mardi, il se voit contraint de payer de l’argent aux militaires à la guérite droite, à la porte principale au motif, ajoutent-ils : “Le mardi, c’est un jour approprié pour apporter la nourriture aux prisonniers. Si tu n’as pas la nourriture, il faut de l’argent”.

Les services administratifs pénitentiaires truffés d’abus.

Au Bureau de consignation de la prison de Makala, tout visiteur quel qu’il soit, est contraint de verser l’argent pour la consignation de ses biens généralement le téléphone cellulaire. Et, notre reporter obtient son billet B. 184-Dépôt Carte homme PCM contre quelques billets d’argent.

Et, s’ensuivra le jeton d’accès PCM 25 après une fouille des agents militaires qui conditionnent cette fouille à une somme d’argent.

Comme si cela ne suffisait pas pour racler le visiteur, déjà à l’extérieur de la prison un autre jeton PCM D1 avant la cour est dressé par des agents qui détiennent les pièces d’identité.

Tout se paye à la prison de Makala

Les chaises qui servent de cadre pour l’entretien entre les visiteurs et les prisonniers se négocient contre une somme d’argent et le billet pour faire venir le prisonnier concerné ne se discute pas, il revient à une somme d’argent.

Diable pauvre, comment vivent les détenus ?

La prison de Makala est un endroit surpeuplé et les places d’hébergement y sont rares. Dès lors, un business d’allocation des places extrêmement lucratif a été mis en place. Ainsi, pour avoir un espace où poser un matelas-éponge, voire un pagne qui servira de lit, il faut impérativement payer une garantie locative d’une valeur de 30 dollars non remboursable, lorsqu’il s’agit d’un pavillon de « standing moyen » comme le pavillon 6A. Lorsqu’il s’agit d’un pavillon de « standing élevé », comme le pavillon 8 qui a un confort relatif, le prix peut monter jusqu’à 300 dollars. Mais, en plus, il faut payer chaque semaine le montant d’un « loyer » (qui s’élève à 1 000 francs congolais, soit environ 40 cents US, lorsqu’on est logé dans un pavillon de standing moyen) sous peine d’expulsion.

Le sort condamné de moins démunis

Les prisonniers qui ne peuvent pas payer dorment soit dans les couloirs, soit dans ce qu’on appelle « l’hébergement », c’est-à-dire la cour de la prison où ils passent la nuit à la belle étoile. Ceux qui dorment dans les couloirs sont relativement à l’abri des intempéries, mais se trouvent dans une promiscuité malsaine. Ceux qui dorment dehors sont exposés aux intempéries et se trouvent dans une promiscuité malsaine. Ceux qui dorment dehors sont exposés aux intempéries et aux piqûres d’insectes.

Où est l’État de droit ?

Cette question revient encore : “Où est l’État de droit”. La réponse après ce constat est simple : “L’État de droit est dans le discours d’allocation et il y demeure mourant” pourtant il doit se vivre dans le quotidien de la population.

Henry Ngindu

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.